mercredi 31 mars 2010

Art illégal

J'ai toujours apprécié le street art. J'en aime l'imprévu, l'inattendu, l'absurde, l'irrévérencieux, le décalé, le do-it-yourself, le je-m'en-foutisme, l'improductif, l'éphémère.

J'habite dans un quartier (l'Est parisien) qui en contient quelques exemples. Entre les pochoirs, les collages, les mosaïques, les sculptures, les grafs, les fresques et les techniques que j'oublie, je pense qu'il doit bien y avoir une vingtaine de séries street-artistiques en permanence. Une sacrée galerie d'art. Tenez, sur cette photo que j'ai prise rue de Lappe dans le 11e, le coin de mur compte pas moins de cinq séries distinctes (à vous de les trouver). Et les alentours en contenaient encore d'autres.

Allez, combinons ça à mon dada perso. Sur le street art, Wikipédia est bien légère. fr: possède une catégorie pour ça (forcément francisée en Art de rue) tandis qu'en: tend à dispatcher tout ça dans des tas d'endroits. Normal, quoi.

Sur Wikipédia, on a des critères pour les arts visuels (avec raison, vu tout ce qui passe). Partons du principe que le potentiel wikipédien de mes séries est invérifiable. Pour figurer sur Wikipédia, il faudrait qu'elles soient représentées dans les collections d'un musée reconnu, ou alors que l'artiste ait réalisé au moins deux expositions personnelles, critiquées ou présentées par des médias nationaux.

Comment dire...

Sur Wikipédia, en gros, l'art, c'est pour les musées ou les expos. C'est pas gagné.

Il y a également le problème de l'artiste. Dans ce domaine, les artistes sont bien souvent inconnus hors d'un cercle restreint (et pour cause : ils demandent rarement l'autorisation des propriétaires, ce qui n'incite pas à la publicité). Bref, ils sont littéralement invérifiables.

Et puis comment vous voulez nommer les articles ? Je connais une série qu'on retrouve un peu partout sur les murs du nord-est parisien : un hexagone de faïence contenant un bonhomme stylisé levant les bras, le tout peint de couleurs variables. Comment elle se nomme ? Le bonhomme stylisé aux bras levés dans un hexagone ?

Bien sûr, je connais la réponse toute prête : ça n'a pas à figurer sur Wikipédia. C'est dommage : c'est se priver d'une frange non négligeable de l'art contemporain occidental. Ah oui, avec des grands mots, c'est tout de suite plus impressionnant. J'ai l'impression de prêcher pour ma paroisse, mais c'est dommage, cette tendance à vouloir évacuer par principe tout ce qui ne rentre pas dans un cadre pré-établi. Wikipédia : l'encyclopédie bourgeoise ?

En passant, Commons héberge des photos d'œuvres d'Invader, un artiste qui a placé des mosaïques de Space Invaders un peu partout dans le monde. Pour ce que j'en sais, il s'agit de photo d'œuvres totalement pas libres, mais il parait que le raisonnement est le suivant : "ok, c'est pas libre, mais il demande pas l'autorisation des proprios des murs alors il peut se brosser pour faire un procès à propos d'installations illégales". Je sais pas pour vous, mais ça me semble spécieux. :)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme je souscris à cette réflexion ! Super article, avec une image en plus.

Et désolé si je dévie un peu du sujet, mais Wikipédia est aussi à coté de la plaque lorsqu'elle exige des albums pour les artistes alors que tout devient numérique et que les artistes contemporains ont tendance (surtout en électro) à tout sortir via le web, et avoir une notoriété bien au delà du nombre d'"album" (critère totalement dépassé et crétin). Je me suis fait sucrer un article comme ca. Une suppression immédiate ultra débile.

Mais je mettrais cependant un bémol à ton article. Par rapport aux critères. Les critères actuels de Wikipédia, à la rigueur, on s'en tamponne un peu tellement ils sont à côté de la plaque. Je pense par contre qu'il est tout à fait possible de trouver des sources pour certains de ces artistes. Pas tous, malheureusement, mais les plus connus qui ne seraient pas encore sur WP. Dans le magazine Shoes-Up par exemple, j'ai vu il me semble à plusieurs reprises des interviews d'artistes éphémères. Je me souviens par exemple d'un article sur Blek le rat (merde, il a son article, mauvais exemple). Non mais sincèrement, je suis persuadé que parmi toute cette ribambelle de magazines branchouilles modo-centrés, ou de magazines liés à la culture de rue, qui constituent des sources bien réelles, il y a certains de ces magazines qui parlent de ces artistes un peu pointus (c'est leur créneau, les trucs pas connus).

Peut-être je me trompe.

Coyau a dit…

Ah oui, ce passage du guide de référence de Commons sur le graffiti qui est tout à fait surréaliste au regard du reste de la politique en matière de respect du droit d'auteur/copyright !

Jastrow a dit…

Le passage sur Commons est débile. En fait, un courant de la doctrine consiste à dire qu'une œuvre illicite ne peut pas bénéficier de la protection du droit d'auteur. En France, la Cour de cassation l'a affirmé a contrario dans son arrêt du 28 septembre 1999 : « une œuvre pornographique bénéficie, en l'absence de preuve de son caractère illicite, de la protection accordée par la législation sur la propriété littéraire et artistique. »

En sens inverse, la Cour d'appel de Paris a reconnu à des graffitis la protection du droit d'auteur (voir « Les trains tagués : entre droit de propriété et droit d’auteur »).

Sinon, dans la catégorie Commons, les Space Invaders d'Amsterdam sont couverts par la liberté de panorama.

Et pour finir, tu as quand même la [[Catégorie:Graffiti-artist]], même si je suis d'accord que les critères sont assez nazes de ce point de vue.

Jean-Fred a dit…

@Jastrow : « une œuvre pornographique » ? o_ô

Anonyme a dit…

@Jastrow : Je m'attendais plus à une catégorie de derrière les fagots dont tu as le secret, du genre [[Catégorie:Curly-haired graffiti-artists in ivory of Montpellier, Maryland]].

Jastrow a dit…

J'ai pas mal de graffiti près de chez moi . J'ai mieux regardé après avoir lu ton article et, hasard amusant, ils sont presque tous signés : Miss Tic, Jef Aérosol, etc.